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vendredi 4 mars 2016

Médecine d'ailleurs

la Guérisseuse d'Anantsono - Santé
   BOATAKY Folorine n'est peut être pas une BARA mais elle doit sûrement soigner des BARA puisqu'elle est installée à l'embouchure du fleuve Onilahy qui traverse l'Ibara. 

  

   L'urgentiste, Bernard Fontanille (cf. en bas de page) dont le leitmotiv est de "rencontrer ceux qui prennent soins des autres" a été reçu par cette guérisseuse et voici un synoptique de leur rencontre diffusée sur Arte récemment : 

Madagascar, l'esprit des plantes

        

   "Madagascar est un paradis qui abrite un écosystème débordant de trésors pharmacologiques. Dans ce pays marqué par le culte des ancêtres, guérir relève d'une alchimie complexe. Exemple au bourg d'Anantsono, où Bernard Fontanille rencontre une guérisseuse. Avec l'aide des esprits, qu'elle invoque par la transe, cette femme utilise les trésors de la nature pour guérir ses patients."

  


  Le village vezo d'Anantsono est un carrefour autour duquel jusqu'à 15 000 âmes ont recours au savoir-faire de la guérisseuse. Certains viennent même de Tongobory et de Toliara.

 
   
   Pourtant il existe bien des infrastructures hospitalières et dispensaires mais leur état de délabrement sont tout simplement inqualifiable, comme nous le montre ces photos issues d'un autre reportage d'Arte sur les dahalo. ("guerre des zébus")

    


   Les villageois d'Anantsono mènent une simple, austère et pauvre mais pas misérable.

  
(préparation du café)
   
(douche spartiate)

  Les enfants font preuve d'ingéniosité pour s'amuser...

  
 ... avec des capsules de bouteilles en guise de babyfoot.

     

      

    

   Mais la vie n'est pas un long fleuve tranquille, comme l'Onilahy si proche, car les villageois n'échappent pas non plus aux tourments des maladies.

    

   Heureusement que "les guérisseurs malgaches ont une connaissance profonde de leur environnement mais à Madagascar, terre de leurs ancêtres, guérir est une alchimie complexe" dixit, l'urgentiste en visite chez la guérisseuse.

   

   Son père et sa mère étaient aussi guérisseurs à Anantsono. Au fil du reportage elle dira à l'urgentiste : "Vous soignez avec vos médicaments, nous avec nos plantes. Je ne voulais pas soigner mais les esprits m'ont tellement fait tourner la tête que j'ai fini par accepter" !



   Les triangles bordant sont chapeau antandroy représentent les esprits de la forêt (helo) et qui habitent dans ce chapeau de forme conique.

   

   La modeste case de Boataky fait aussi office de cabinet de consultation. S'y trouvent également : les médicaments des ancêtres, le bâton des ancêtres et les ancêtres eux-mêmes, bien évidemment.


  
   
   Il suffit de les convoquer par la transe pour qu'ils puissent guider la guérisseuse dans toute ses démarches. Comme l'a très bien résumé l'urgentiste : une "étrange routine, un passage qu'elle emprunte fréquemment et qu'elle maîtrise". 

   Pareillement, il a fallu aussi demander l'autorisation de se faire accompagner par un étranger (vazaha) et d'aller cueillir même un lundi, un jour néfaste.



   D'ailleurs sa fille a refusé l'invitation des ancêtres à soigner les autres. Comme elle le dit dans le reportage :"je n'aime pas que ma tête s'agite pendant la transe". Elle se contente seulement d'aller ramasser les plantes médicinales sur l'ordre de sa mère et des ancêtres.

   Elle a pourtant partager son envie de devenir sage-femme mais comme elle est pauvre et faute d'infrastructure, elle ne pourra pas réaliser son rêve.


   De manière empirique, elles savent quelle plante est bénéfique et quelle autre dangereuse. Telle essence est un poison puisque même les animaux meurent alors nous non plus on ne les consomment pas.


   D'autres par contre portent des fruits comestibles. En réduisant certaines variétés en poudre, puis en les appliquants sur le visage, on peut s'éclaircir la peau afin de mieux séduire les hommes.     

     



   Ce savoir empirique des malgaches n'est plus à douter comme le témoigne l'éminent chercheur Pr. Ratsimamanga :  “Du diabète au filtre d’amour, en passant par l’empoisonnement pur et simple” !

(source)
   Le KATRAFAY (Cedrelopsis grevei) est la panacée de la pharmacopée malgache. Malheureusement, comme le reconnaît la fille de la guérisseuse, cette plante médicinale endémique de la forêt sèche du sud de Madagascar se fait de plus en plus rare car les grands arbres ont été utilisés pour la fabrication des maisons et du charbon de bois pour la cuisine locale.

  




  

   Le Katrafay est réputé comme anti-antibactérien et hypotenseur efficace. Son écorce est aussi utilisée par les Antandroy en décoction pour soulager les douleurs rhumatismales mais les femmes lui attribuent des vertus aphrodisiaques aussi.

   

   Après un massage au jet d'eau que l'urgentiste à qualifié de "violent" ce patient sera ensuite soigné avec du katrafay.


   

   La guérisseuse a diagnostiqué une pathologie musculaire suite à la chute d'un sac de denrée alimentaire sur le patient. Elle a répondu tout simplement à l'urgentiste que "grâce à la palpation de son index" toute présomption d'une quelconque fracture est exclue, étant donné que l'os n'a pas réagi. (notons au passage que mon père a suivi ses patients sans bilan sanguin ni cliché radiographique tout au long de sa carrière de médecin de brousse dans l'Itasy).

   Malgré les soins très onéreux à l'hôpital, la douleur persiste depuis des mois et seules les séances de massage ici le soulagent.




     

  

   Pour le reste, un massage à la suif de zébu permettra de détente les muscles tout en facilitant la circulation sanguine. Ensuite, l'application de katrafay le soulagera et le patient dormira bien aussi.


  

   Pareillement, la guérisseuse se soigne aussi les jambes, sinon les douleurs dues à l'arthrose l'auraient empêché de marcher.  

   

   A la grande surprise de l'urgentiste, d'autre cas aussi délicats sont traités par Boataky, la guérisseuse. Cet enfant que l'hôpital de Toliara a refusé d'opérer pour une hernie inguinale (be vata). 

  

  Avec beaucoup de patience et de dévouement, la guérisseuse masse l'enfant avec un mélange de plante et de cendres de cocons. De la taille de 4 doigts au départ, son hernie s'est réduite à 2 doigts.

  Si la guérisseuse reconnaît l'aspect symbolique des cocons pour ce cas, force est de reconnaître que l'enfant souffre moins aujourd'hui.

(massage d'un bébé)
    La guérisseuse a aussi pris en charge une jeune fille, venant de Tongobory, pour le suivi de sa seconde grossesse. A son cinquième mois, la guérisseuse   lui fait des massages et quelques manipulations afin de "retourner le foetus car elle est serrée". Ensuite elle lui prépare un mélange de volonondry (Digitaria humbertii) et de vondro (Typha domingensis) pour en faire une tisane contre les fausses couches (reconnaissance de la dimension symbolique).  

  

  

  Telle est la vie de cette surprenante guérisseuse qui n'a pas d'horaire pour soulager ses concitoyens. Elle masse les villageois avant qu'ils aillent effectuer leurs travaux au quotidiens. Et "si mes patient me donnent de l'argent, c'est bien. Mais s'ils ne donnent pas, ce n'est pas grave, sinon je soigne quand même" dit-elle avec compassion.

Nous sommes bien à milles lieux des dépassements d'honoraire
dans le monde de la médecine dite moderne !


   Et comme l'a si bien constaté l'urgentiste : "ni sermon d'Hippocrate mais à ses côté je vois dans ses soins l'éthique et l'engagement dont elle est capable, malgré son absence totale de moyen, malgré son genou malade qui l'empêche d'aller chercher les paltes médicinales  avec une bonne dose d'esprit dans les mains et les plantes indispensables  elle entretient un lien  le lien vital entre ses patients et les ancêtres".
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   Le 12 juin 2012 j'ai déjà traité un sujet similaire sur un autre blog dédié à la médecine à Madagascar.

(lire l'article)
   Aujourd'hui, ce reportage d'Arte mettant en valeur une guérisseuse dans le sud-ouest malgache est toujours présenté par l'urgentiste Bernard FONTANILLE qui fait fonction d'anthropologue.


   Pour aller plus loin, voir aussi le livre "Médecines du monde" de Claudine BRELET.